Le temps des adieux

Publié le par magelitin

Un coup de téléphone, un parmi les autres, quelle nouvelle? quel dernier scoop? Peut-être un autre de ces télémarcheurs qui veut me vendre un truc inutile qui me coûtera un oeil...

La voix m'est familière, mais l'intonation n'est pas celle de d'habitude, un message bref, "rappelle moi...", j'ai cru même entendre des sanglots.

Je rappelle, fébrile, j'imagine bien qu'il ne s'agit pas d'un potin quelconque, pas d'un scoop non plus, "c'est fini, il est mort cette nuit".

Ces mots qu'on redoute d'entendre quand le téléphone sonne quand on sait quelqu'un de malade, d'autant plus quand il s'agit  un proche.Alors on répond d'un simple "j'arrive" oubliant toutes les obligations en cours, le ton est neutre, presque brusque assomée par la nouvelle.

Je répète sans me rendre compte des "non, non", je cherche quelque chose contre quoi m'appuyer, le mur fera l'affaire, pas d'épaule contre laquelle m'appuyer là , de suite, et je m'éffondre, entre pleurs et sanglots, reste assise par terre, le regard brouillé de larmes, perdu vers un point fixe, ce seront les seules larmes que je laisserai couler pour la journée.

Celui qui est "parti", c'est "Papi" il  est celui qui a fait ce que je suis aujourd'hui, il m'a élevée toute mon enfance, comme un père, je n'ai pas été digne de lui, ne lui rendant visite qu'une fois tous les 36, mes larmes ne sont pas seulement celles du chagrin, mais celles des regrets, mais il est trop tard pour regretter...

 

Une fois sur les lieux, je découvre celle qui est comme ma mère,Mamie, la maison est fermée, son regard aussi, dans la pénombre.Elle est là, seule attablée, ne croyant qu'à moitié ce qui vient de se passer, elle ne réalise pas les choses, celui qui était son mari depuis 52 ans est là, dans sa chambre, endormi.

Un proche de perdu, encore un, je suis presque blindée, les choses glissent sur moi, je m'en veux presque de ne plus rien ressentir, je suis vide de tout chagrin, de toute peine, je suis pragmatique, ne pensant qu'au côté "pratique", gérer le "aprés", de toute façon là, on ne peut plus rien faire pour lui, c'est cru, c'est moche mais c'est la réalité.

Je reste prés d'elle, me refusant de la laisser seule, pendant que ses enfants s'occupent de l'organisation des obsèques, elle me demande des nouvelles, me plaint presque de me faire revivre ces moments difficiles, j'essaie de la protéger au maximum, ne la laissant pas seule avec lui, respecter ses volontés, mais la préserver de tout.

 

Trois  jours aprés, ce sont les obsèques, je sais combien ce sera un moment difficile, c'est la fin de tout.Evidemment mamie s'éffondre, et réalise que la fin est proche, papi n'est plus, elle ne le verra plus, et restera seule ici bas, entourée des siens, mais sans celui qui aura été à ses côtés presque toute sa vie.

J'assiste au spectacle des condoléances, des pleurs et des sanglots qui fusent de partout, des gens qui cherchent à consoler le plus triste.Je les regarde tous, tout de noir vêtus,le mouchoir blanc dans les mains, la porte de la chambre funéraire qui s'ouvre et se referme,Papi n'aura jamais eu autant de visites...

C'est le temps des retrouvailles familiales, une famille nombreuse et éclatée dans les 4 coins de la France.Ils sont tous là, des ainés aux plus jeunes venus accompagnés papi jusqu'à "sa dernière demeure"

Une cérémonie sobre, je baisse les yeux, ne voulant croiser le regard de personne.Je suis "aux premières loges", mamie tenant à tout prix à ce que je sois tout prés d'elle.Je suis le cortège funèbre lentement, les yeux rivés au sol.puis vient le moment où le cerceuil entre dans la tombe, recouvert de roses et de pétales, un dernier mot, une dernière pensée, c'est fini, papi est parti....

 

Certaines personnes viennent à ma rencontre "comme tu as changé"...Oui les années sont passées, et aprés?

Mamie semble fière de voir que je suis là, elle dit être trés touchée que je sois là avec elle depuis 3 jours.Moi, j'ai peur pour elle, comment va t-elle vivre aprés?Comment va t-elle vivre sans lui.J'imagine ma vie sans ma moitié, j'en pleure de douleur.C'est con, mais je ne le contrôle pas.

J'entends les phrases pré-construites de "c'est trop tôt, toujours trop tôt" et les "c'est dans la logique des choses, des enfants qui perdent leurs parents, c'est jamais facile, mais je n'imagine pas ce que cela peut être pour un parents de perdre un de ses enfants, je ne connais personne qui l'a vécu..." , et là, je sens le regard de mamie sur moi, suivi du "moi, je connais quelqu'un mais elle ne m'en parle pas, mais ce doit être trés difficile aussi" suivi d'un maigre sourire et d'un regard compatissant.

Les gens partent les uns aprés les autres, aprés les sacro saint messages de soutien et des "appelle si ça va pas..." ben oui, tiens, il se peut que ça n'aille pas, il y a des chances...

Et nous nous retrouvons, là comme trois jours auparavant, dans la pénombre, observant le silence, perdus chacuns dans nos pensées.

Les miennes allaient  vers celui qui m'inpire le respect, celui qui m'a élévée et qui m'a enseignée des valeurs importantes, le respect,le travail et le sens du devoir...Des notions qui font de moi ce que je suis aujourd'hui, un peu grâce à lui, papi...

 

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